CHOPIN. — Voilà bientôt quelques années que nous n'avions entendu ce sentimental pianiste ; a-t-il progressé ? non, car Chopin tient peu de souci des secrets mécaniques du piano ; chez lui point de charlatanisme ; le cœur et le génie seuls parlent, et à ces titres, son organisation privilégiée n'a rien à gagner. Pour bien apprécier Chopin, il faut aimer les impressions douces, il faut avoir le sentiment de la poésie : entendre Chopin, c'est lire une strophe de Lamartine.
Les compositions de Chopin vous frappent encore bien plus que les nuances délicates de son jeu ; Schubert n'a jamais été mieux inspiré ; et l'on peut assurer que les œuvres de Chopin sont autant de délicieuses perfections d'harmonie et de mélodie ; c'est surtout sous ce rapport que nous le préférons à Listz [sic !], bien que celui-ci, en abandonnant ses compositions originales, nous donne aujourd'hui l'idée de ce que peut son talent dans l'arrangement des œuvres de nos célèbres compositeurs. Mais tout admirable que soit son morceau sur Robert-le-Diable même, Meyerbeer peut en revendiquer quelques honneurs, tandis que dans Chopin tout est imagination et création. Ce n'est pas que nous prétendions voir en Chopin le plus grand des pianistes ; non, il a son individualité, tout comme Listz, dont la chaleur et la foudroyante exécution sont certainement hors de toute rivalité.
Les études et les mazurka [sic !] brillent parmi les compositions de Chopin : chacune de ses inspirations a juste ce qu'il faut de développement pour captiver le public sans lui donner une seule minute d'ennui ; aussi, le succès de Chopin a-t-il été immense! Ajoutons que les pianos de Pleyel conviennent bien à ce pianiste : ces instruments ne résisteraient pas sous les doigts de Listz, et même sous ceux de pianistes plus calmes. Seuls les salons de Pleyel, comme toujours, ont laissé beaucoup à désirer. On ne saurait vraiment rien imaginer de plus incommode, à commencer par l'entrée des piétons, que les équipages menacent d'écraser à chaque pas.—Au nom de la presse, dont les organes n'ont généralement pas d'équipages à leur service, nous réclamons une entrée secondaire, qui mette la critique à l'abri des catastrophes.
Mme Damoreau et Ernst ont rivalisé de talent et de charme: au résumé, nous n'avons eu en cette soirée aucune de ces fortes impression [sic !] dramatiques à la mode ; mais chacun s'est retiré plein d'une douce joie et d'un profond recueillement.
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CHOPIN. — Era già da qualche anno che non sentivamo questo pianista sentimentale: ha fatto progressi? No, perché Chopin ha scarso interesse per i segreti meccanismi del pianoforte. In lui non vi è traccia di ciarlatanismo, da cui non ha nulla da guadagnare, poiché la sua natura privilegiata fa sì che il suo cuore e il suo genio siano i soli a parlare. Per apprezzare Chopin occorre amare le impressioni dolci; occorre avere sensibilità per la poesia: ascoltare Chopin è come leggere una strofa di Lamartine.
Le composizioni di Chopin vi colpiscono ancor più delle delicate sottigliezze del suo modo di suonare. Le ispirazioni di Schubert furono quanto di meglio si possa immaginare, ma possiamo garantire che le opere di Chopin sono del pari perfette delizie d'armonia e di melodia. È soprattutto sotto questo aspetto che noi lo preferiamo a Liszt, anche se questi, abbandonando le composizioni originali, oggi ci dà l'idea delle capacità del suo talento nell'arrangiare le opere dei nostri celebri compositori. Ma, per quanto ammirevole sia persino il suo pezzo su Roberto il Diavolo, Meyerbeer può rivendicarne un qualche onore, mentre in Chopin tutto è fantasia e creazione. Non è che pretendiamo di vedere in Chopin il più grande fra i pianisti, no: egli ha la sua individualità, proprio come Liszt, la foga e la sbalorditiva esecuzione del quale sono certamente senza rivali.
Tra le composizione di Chopin spiccano gli studi e le mazurche: ognuna delle sue ispirazioni ha giusto quel tanto di sviluppo che basta per avvincere il pubblico senza annoiarlo per un solo minuto; così, il successo di Chopin è stato immenso! Si aggiunga che i pianoforti Pleyel ben convengono a questo pianista: questi strumenti non resisterebbero sotto le dita di Liszt, e nemmeno sotto quelle di pianisti più pacati. Soltanto i saloni di Pleyel, come sempre, hanno lasciato molto a desiderare. Non sapremmo immaginare niente di più disagevole a cominciare dall'entrata per quanti vi accedono a piedi: le carrozze, infatti, minacciano di travolgerli ad ogni passo. — A nome della stampa, i cui rappresentanti di solito non hanno carrozze a loro disposizione, reclamiamo un'entrata secondaria che metta la critica al riparo da catastrofi.
Mme Damoreau ed Ernst hanno rivaleggiato in talento e charme. In conclusione, la serata non ha prodotto alcuna delle forti impressioni drammatiche alla moda, ma ognuno se n'è andato colmo di una gioia dolce e in profondo raccoglimento.
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