Review of the Concert performed by Chopin on April 26, 1841, published by Le Ménestrel.
("Le Ménestrel", May 2, 1841, p. 3)
CHOPIN. — Voilà bientôt quelques années que nous n'avions entendu ce sentimental pianiste ; a-t-il progressé ? non, car Chopin tient peu de souci des secrets mécaniques du piano ; chez lui point de charlatanisme ; le cœur et le génie seuls parlent, et à ces titres, son organisation privilégiée n'a rien à gagner. Pour bien apprécier Chopin, il faut aimer les impressions douces, il faut avoir le sentiment de la poésie : entendre Chopin, c'est lire une strophe de Lamartine.
Les compositions de Chopin vous frappent encore bien plus que les nuances délicates de son jeu ; Schubert n'a jamais été mieux inspiré ; et l'on peut assurer que les œuvres de Chopin sont autant de délicieuses perfections d'harmonie et de mélodie ; c'est surtout sous ce rapport que nous le préférons à Listz [sic !], bien que celui-ci, en abandonnant ses compositions originales, nous donne aujourd'hui l'idée de ce que peut son talent dans l'arrangement des œuvres de nos célèbres compositeurs. Mais tout admirable que soit son morceau sur Robert-le-Diable même, Meyerbeer peut en revendiquer quelques honneurs, tandis que dans Chopin tout est imagination et création. Ce n'est pas que nous prétendions voir en Chopin le plus grand des pianistes ; non, il a son individualité, tout comme Listz, dont la chaleur et la foudroyante exécution sont certainement hors de toute rivalité.
Les études et les mazurka [sic !] brillent parmi les compositions de Chopin : chacune de ses inspirations a juste ce qu'il faut de développement pour captiver le public sans lui donner une seule minute d'ennui ; aussi, le succès de Chopin a-t-il été immense! Ajoutons que les pianos de Pleyel conviennent bien à ce pianiste : ces instruments ne résisteraient pas sous les doigts de Listz, et même sous ceux de pianistes plus calmes. Seuls les salons de Pleyel, comme toujours, ont laissé beaucoup à désirer. On ne saurait vraiment rien imaginer de plus incommode, à commencer par l'entrée des piétons, que les équipages menacent d'écraser à chaque pas.—Au nom de la presse, dont les organes n'ont généralement pas d'équipages à leur service, nous réclamons une entrée secondaire, qui mette la critique à l'abri des catastrophes.
Mme Damoreau et Ernst ont rivalisé de talent et de charme: au résumé, nous n'avons eu en cette soirée aucune de ces fortes impression [sic !] dramatiques à la mode ; mais chacun s'est retiré plein d'une douce joie et d'un profond recueillement.
CHOPIN. — We have not heard this sentimental pianist for several years. Did he make progress? No, he did not, because he cares very little about the mechanical piano secrets. Chopin is absolutely far from any charlatanism, from which, as his heart and genius alone speak, his privileged nature has nothing to gain. To fully appreciate Chopin, you must love the soft impressions and have a feeling of poetry: to hear Chopin, is like to read a strophe of Lamartine.
Chopin's compositions are even more striking than the delicate nuances of his playing. Schubert was never inspired in a better way, and we can assure that the works of Chopin are delightfully perfect both in harmony and melody as much. That is mainly why we prefer him to Listz [sic!], even if the latter, putting aside the original compositions, now gives us the idea of what his talent can do in the arrangement of our celebrated composers' works. But, although just his piece on “Robert le Diable” is admirable indeed, Meyerbeer may claim some honour, whereas Chopin is all imagination and creativity. This does not mean we consider Chopin as the greatest of all the pianists. No. He has got his own individuality, like Listz, whose passionate and stunning performances are certainly beyond all rivalry.
The Etudes and the Mazurkas stand out from the compositions of Chopin: the inspiration in each one gets right enough development which is necessary to captivate the audience without giving a single minute of boredom; so, the success of Chopin was immense! Let us add that the Pleyel's pianos are well suited for such a pianist: these instruments would not stand up under the fingers of Listz, and even under the ones of pianists less impetuous. Only Pleyel's salons, as always, left much to be desired. You could not really imagine anything more inconvenient, starting with the entrance for the pedestrians the carriages threaten to run over at every turn.—On behalf of the press, whose representatives do not generally enjoy a carriage service, we claim a secondary entrance, which could shelter the pressmen from a disaster.
Madame Damoreau and Ernst vied with each other in talent and charm. To sum up, this evening we have not been struck by any of those strongly dramatic impressions which are all the rage today; but everyone went away full of sweet joy and deep reverie.


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